Ukraine: un drone cracheur de feu fait son apparition sur le front

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Les combats se poursuivent en Ukraine. Lundi 2 septembre, 313 attaques et tirs d’obus ont été recensés contre 11 localités, endommageant plusieurs bâtiments à Zaporijia, affirment les autorités. Depuis quelques jours, une vidéo tournée dans la région est relayée en boucle sur les réseaux sociaux. On y voit un drone crachant une matière incandescente sur une zone boisée dans la région de Zaporijia. Le résultat semble dévastateur.

Publié le : 03/09/2024 – 18:32

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Il s’agit là d’un nouvel exemple de l’utilisation débridée que font les deux belligérants, des drones commerciaux (FPV) modifiés pour être employés comme armes de guerre en Ukraine. En quelques dizaines de secondes, le drone déverse une cascade de feu sur une haie d’arbres qui sert possiblement d’abris aux troupes russes. Après 40 secondes, une explosion secondaire d’origine indéterminée a lieu dans le sous-bois. La combustion du produit employé génère une incandescence de couleur blanche, ce qui traduit généralement des températures de l’ordre de 1 500°C et plus.

La vidéo est apparue en début de semaine sur des comptes pro-ukrainiens.

Des images de la caméra embarquée dans le drone sont également en ligne. On y voit l’engin avancer à vitesse élevée au sommet de la ligne d’arbres. Mais la scène est aussi filmée depuis le ciel, depuis un autre angle. Les images qui en résultent sont effrayantes. Et c’est sûrement l’objectif : générer un sentiment de vulnérabilité chez l’adversaire, qui en est souvent réduit à se dissimuler sous le couvert végétal. Ces images ont été géolocalisées dans l’oblast de Zaporijjia.

De l’avis des experts, c’est un mélange appelé « thermite » qui a été employé. Des grenades ou des pots constitués de composants chimiques qui s’enflamment en se mélangeant – traditionnellement de l’aluminium avec un oxyde métallique – sont accrochés sous le drone et mis à feu lors d’un court passage.

Sur X, certains contributeurs assurent que des grenades incendiaires fabriquées aux Etats-Unis ont été utilisées.

Ce compte pro-ukrainien soutient que l’Ukraine assemble ses propres munitions incendiaires.

C’est le premier usage du genre documenté sur les réseaux sociaux. Jusqu’alors, l’armée ukrainienne préférait larguer une à une ces grenades incendiaires, comme on peut le voir sur certaines vidéos. Toujours selon les spécialistes, les produits de combustion qui retombent sur terre dépasseraient les 2 000°C avec les effets qu’on peut imaginer sur les hommes, le matériel et la végétation.

Thermite, une substance bien connue

La substance désignée « thermite » n’est pas un explosif au sens strict. « Il s’agit d’un mélange d’aluminium métallique et d’oxyde d’un autre métal, généralement l’oxyde de fer. Lorsqu’il est enflammé, l’agent réducteur vole l’oxygène de l’oxyde métallique, produisant ainsi une chaleur intense et du métal en fusion, capable de libérer une énergie considérable », nous apprend la Société chimique de France. La thermite est loin d’être une nouveauté, brevetée dès 1895. Elle est utilisée dans l’industrie, notamment pour réaliser des soudures.

Réaction aluminothermique sur une pièce en fer. Cette image illustre le procédé de la soudure Thermite.
Réaction aluminothermique sur une pièce en fer. Cette image illustre le procédé de la soudure Thermite. © wiki creative common

Les capacités de ce mélange ont très tôt intéressé les armées, afin d’améliorer les dispositifs d’allumage de la charge de projectiles et les performances des explosifs classiques. Un dérivé beaucoup plus réactif de la thermite, appelé superthermite, est aussi utilisé comme carburant pour les fusées. Et les qualités incendiaires de la thermite n’ont pas échappé aux militaires, en particulier aux sapeurs, pour d’autres usages.

« Faire fondre tous les équipements »

Tout près d’Angers, les responsables du Pôle interarmées de traitement du danger des munitions et explosifs (Piam), le centre de référence de l’armée de Terre pour tout ce qui concerne les explosifs, connaissent bien la thermite. « Les grenades incendiaires américaines ou russes sont très courantes », indique un artificier du Piam joint par RFI.

« Dans l’armée française, sur un théâtre d’opération, on prévoit d’utiliser ces bombes incendiaires pour détruire nos véhicules qui risqueraient de tomber dans les mains de l’ennemi. Ces bombes génèrent des températures très élevées qui vont faire fondre tous les équipements sensibles qui sont à bord. Mais dans la doctrine française, en aucun cas, la thermite n’est utilisée de manière offensive. Ce n’est pas dans nos usages », pointe l’artificier.

Ce Compte X pro-ukrainien documente l’usage de grenades employant un mélange thermite par l’armée de Kiev.

Bien évidemment, les vidéos du front ukrainien intéressent les experts du Piam : « La nouveauté, c’est d’avoir assemblé des pots de thermite sous un drone. Aujourd’hui, n’importe qui peut adapter des munitions conventionnelles chargées en thermite, sous un drone. Avec un peu d’imprimantes 3D, il est facile de faire un système de largage, et aujourd’hui, c’est l’un des gros dangers, car c’est à la portée de presque n’importe qui. Le conflit ukrainien nous le rappelle. »

Des munitions incendiaires dans les deux camps

Les artificiers relèvent également que la saison sèche se prête bien à l’usage de bombes incendiaires. « Des deux côtés du front ukrainien, ces armes sont de plus en plus fréquemment utilisées en été pour enflammer les positions adverses. Il y a presque une saisonnalité des armes ! »

Les images satellites avant-après fournies par Copernicus (fausses couleurs) laissent apparaitre une vaste zone brulée en noir à proximité de la haie visée par le drone.

« ​​​​​​​On subodore, dit l’expert militaire français, que les Ukrainiens utilisent un gel inflammable. Car la thermite, c’est un terme générique. Dans les faits, chacun à sa recette. Le composé chimique varie selon les compétences, il n’y a pas qu’un seul modèle de thermite. » Directions du renseignement militaire et artificiers du Piam, les armées françaises observent avec acuité l’utilisation de thermite par des drones. Il s’agit de déterminer si cette nouvelle application est véritablement efficace et, le cas échéant, comment la contrer. Même si le mélange incendiaire utilisé n’a rien d’une découverte, précisent les experts français : « ​​​​​​​On utilisait déjà la thermite dans les tranchées lors du premier conflit mondial. »

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