Ukraine : Les Russes renforcent leurs positions autour de la centrale de Zaporijjia, Choïgou sur place-médias

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LONDRES (Reuters) – Les forces militaires russes ont renforcé ces dernières semaines leurs positions défensives à l’intérieur et autour de la centrale nucléaire de Zaporijjia, dans le sud de l’Ukraine, où se trouvait vendredi le ministre russe de la Défense.

Le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou a inspecté vendredi le quartier général des forces russes combattant dans la région de Zaporijjia, ont rapporté les agences de presse russes, citant le ministère de la Défense.

De nouvelles tranchées ont été creusées autour de la ville et de nouvelles mines ont été posées, ont rapporté des sources, tandis que les caméras de surveillance de la centrale pointaient vers le nord, en direction du territoire contrôlé par l’Ukraine.

Depuis plusieurs mois, les Russes ont installé des positions de tir au sommet de certains bâtiments de l’usine. Des filets ont été érigés pour dissuader les drones.

Ces mesures décrites par deux Ukrainiens travaillant à la centrale et deux autres habitants de la ville d’Enerhodar soulignent les risques que la guerre fait peser sur la sécurité de l’installation.

Les sources ont parlé sous le sceau de l’anonymat afin d’assurer leur sécurité dans une ville sous occupation russe.

Selon Petro Kotin, directeur de l’agence nucléaire ukrainienne Energoatom, le nombre de soldats russes présents dans l’usine est passé d’environ 500 à 1.500 au cours des derniers mois.

Les quatre sources ont déclaré avoir entendu des détonations occasionnelles, qu’elles supposaient causées par des animaux errants marchant sur des mines. L’un des travailleurs a vu des de tirs de balles traçantes dans le ciel de nuit depuis le toit de l’un des bâtiments de l’usine, probablement en direction d’un drone.

Si le renforcement des troupes et des défenses indique que les forces d’occupation s’installent, certains signes montrent que les Russes gardent un œil sur une possible évacuation.

La centrale et la ville d’Enerhodar sont reliées par une seule route principale à Melitopol, la plus grande ville occupée par la Russie dans la région de Zaporijjia, au sud-est, ce qui offre à la Russie un corridor terrestre vers la péninsule de Crimée occupée.

Selon Petro Kotin, les forces russes devraient battre en retraite s’il apparaissait que cette route allait être coupée.

Les forces russes pourraient avoir déjà effectué des exercices d’évacuation à l’usine, a-t-il ajouté.

« À mon avis, elles se préparent à l’évacuation, c’est-à-dire qu’elles rassemblent tout au même endroit pour être prêtes à tout prendre et à sortir de là. »

Deux des sources à Enerhodar ont déclaré avoir vu les forces russes prendre ce mois-ci des équipements de radiologie et de laboratoire d’un hôpital, ainsi que des équipements de banques ukrainiennes fermées dans la ville d’Enerhodar.

L’Ukraine a annoncé son intention de mener bientôt une grande contre-offensive, et l’on s’attend à ce qu’elle frappe dans le sud en raison de son importance stratégique en tant que pont vers la Crimée et la mer Noire.

La Russie a érigé des fortifications s’étendant de l’ouest de la Russie à la Crimée, et les tranchées sont particulièrement étendues sur le chemin menant des terres ukrainiennes à Melitopol, ce qui laisse penser que Moscou s’attend à une attaque à cet endroit.

Les responsables installés par la Russie ont annoncé l’évacuation des zones de la ligne de front dans la région de Zaporijjia, y compris Enerhodar. Ils affirment avoir déjà évacué plus de 1.500 personnes.

RISQUE DE FUSION NUCLÉAIRE

Si la compagnie nationale russe d’énergie nucléaire Rosatom a assuré que les équipements de la centrale étaient correctement entretenus, elle a déclaré que toute action militaire éventuelle de l’Ukraine constituerait une menace pour la sécurité nucléaire. L’agence de renseignement militaire ukrainienne et le ministère russe de la Défense n’ont pas répondu aux demandes de commentaires.

Certains experts de l’industrie nucléaire, alarmés, ont averti que tout dommage causé à la centrale pourrait avoir des conséquences désastreuses pour la population, la région environnante, la guerre et l’industrie nucléaire mondiale.

« Les réacteurs nucléaires n’ont pas été conçus pour les zones de guerre et je ne pense pas qu’ils puissent être sûrs ou sécurisés dans une zone de guerre », a déclaré Nickolas Roth, directeur du groupe de réflexion Nuclear Threat Initiative.

Petro Kotin a déclaré ne pas penser que les forces ukrainiennes organiseraient une attaque directement sur le site. Elles pourraient plutôt essayer de forcer les Russes à battre en retraite en coupant les lignes d’approvisionnement.

Toutefois, la communauté internationale craint que la centrale nucléaire à six réacteurs, la plus grande d’Europe, ne soit prise dans les combats.

L’organe de surveillance nucléaire des Nations unies affirme que la présence et l’activité militaires s’intensifient dans la région, soulignant la nécessité d’une action urgente. Depuis des mois, elle met en garde contre le risque d’un accident majeur à la centrale.

L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) prévoit de soumettre dans le courant du mois un accord avec la Russie et l’Ukraine visant à protéger l’installation, ont indiqué quatre diplomates à Reuters.

Petro Kotin estime que la plus grande menace pour la sécurité de la centrale serait la coupure de la dernière ligne électrique externe nécessaire pour refroidir les réacteurs de la centrale. En cas de coupure, seuls les générateurs diesel de secours peuvent empêcher une fusion.

« Si toutes les pompes s’arrêtent, vous aurez entre une heure et demie et trois jours et la fusion sera provoquée », a-t-il affirmé.

Les générateurs de secours ont déjà fonctionné six fois pendant de courtes périodes lorsque l’électricité a été coupée à cause des bombardements, que la Russie et l’Ukraine se sont mutuellement attribués.

(Reportage Tom Balmforth et Sarah McFarlane ; avec la contribution de Yuka Obayashi ; version française Gaëlle Sheehan, édité par Kate Entringer)

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