L’actuelle campagne de frappes à répétition de drones en territoire russe démontre les capacités du dernier ajout à l’arsenal des drones ukrainiens : le « Beaver ». Avec une très longue portée, il a été spécialement conçu pour ces missions « suicides » qui placent Moscou à portée de Kiev.
En ce moment en Russie, la nuit appartient aux drones. Lancés par l’Ukraine, ils ont endommagé ces derniers jours des avions de transport sur un aéroport et ont atteint des cibles dans six régions russes, y compris à Moscou.
Et depuis le début de la guerre, il n’y avait même jamais eu autant de frappes que dans la nuit de mardi 29 à mercredi 30 août, a constaté la chaîne américaine CNN.
Un castor sachant voler très loin
Au cœur de cette campagne, il y a un nouveau venu : le drone « Bober », ou « Beaver » – la traduction anglaise de ce mot ukrainien signifiant « castor ». Il a été conçu tout spécifiquement pour mener des missions aussi loin que possible derrière les lignes ennemies, en plein cœur de la Russie. « Son avantage principal est sa longue portée. Il peut frapper des cibles sur une distance au-delà des 600 km », précise Alexandre Vautravers, spécialiste des questions d’armement et rédacteur en chef de la Revue militaire suisse.
Ukrainian volunteers showed domestically produced kamikaze drone « Beaver », repeatedly seen during attacks on Moscow. It has a flight range of 1000km. pic.twitter.com/51LPuzfrDj
— NOELREPORTS 🇪🇺 🇺🇦 (@NOELreports) July 30, 2023
C’est inhabituel pour l’Ukraine. Jusqu’au printemps dernier, « la grande majorité des drones [kamikaze] assemblés dans le pays avaient une autonomie d’une vingtaine de kilomètres », souligne Dominika Kunertova, spécialiste de la militarisation des technologies émergentes au Centre des études de sécurité de l’École polytechnique fédérale de Zurich (ETH Zürich)
Autrement dit, le Beaver – utilisé comme drone kamikaze – met enfin Moscou, située à environ 500 km de la frontière, à portée des pilotes restés à l’abri en Ukraine.
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La genèse de cet engin de plus de 2,5 mètres d’envergure et qui pèse 150 kg, suggère que Kiev avait en tête d’accentuer ses frappes sur le sol russe depuis assez longtemps. L’histoire commence avec… l’influenceur Ihor Lachenkov, approché en fin d’année dernière par les autorités pour aider à mettre au point un drone « qui puisse aller très loin », a raconté le New York Times.
Cette star ukrainienne d’Internet a alors lancé une campagne de financement participatif qui a permis de lever plus d’un demi-million de dollars, donnant ainsi un coup d’accélérateur au projet « Beaver ». En parallèle, Ukroboronprom – un collectif d’acteurs du complexe militaro-industriel ukrainien – a été chargé d’élaborer l’engin volant.
« Frapper les esprits » russes
Mais pas par n’importe qui. Beaver n’est pas le bébé du ministère de la Défense. « Il a été commandé par les services de renseignement », souligne Alexandre Vautravers. C’est donc une arme très particulière : créée grâce à l’argent versé par les Ukrainiens à la cagnotte sur Internet et voulue par les espions.
Un mélange qui explique, selon Alexandre Vautravers, un résultat plutôt inattendu pour le Beaver. « D’habitude, des engins de cette taille sont construits par les militaires pour pouvoir transporter d’importantes charges utiles. Mais en l’espèce, les Ukrainiens ont décidé de faire des sacrifices sur cet aspect pour privilégier la quantité de carburant disponible pour le Beaver, ce qui lui assure un très large rayon d’action », explique ce spécialiste.
Cet engin transporte donc moins d’explosifs que d’autres drones du même acabit, même s’il y en a suffisamment pour endommager des cibles militaires renforcées, assurent les experts interrogés par France 24.
Ce choix de conception en dit long sur le rôle du Beaver. Plutôt que la destruction, c’est un drone « qui sert avant tout à frapper les esprits en Russie » – en déplaçant le conflit jusqu’au seuil des habitations moscovites.
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En ce sens, cet engin fait partie intégrante de la contre-offensive ukrainienne. « Il permet de créer des distractions pour l’état-major russe » contraint de garder un œil toujours vigilant sur cette menace venue du ciel, assure Dominika Kunertova.
Mais ce n’est pas non plus l’arme miracle contre la Russie. D’une part, parce que cet engin « peut plus facilement être pris pour cible par des attaques électroniques comme le brouillage [de ces capteurs, NDLR] », note Dominika Kunertova. Il est plus lent, plus lourd et plus gros que d’autres drones « kamikaze » à plus courte portée.
D’autre part, il a, comme tous les drones, une durée de vie limitée en temps de guerre. « On estime qu’après trois mois, l’adversaire a trouvé la parade à un type de drone. C’est pourquoi, par exemple, on n’entend plus tellement parler des drones turcs qui avaient beaucoup été utilisés au début du conflit », souligne Alexandre Vautravers.
Un castor mis à jour pour bientôt ?
Le Beaver, dont la première utilisation remonte à la fin du printemps, aurait ainsi presque atteint sa date de péremption. Du moins pour sa première génération. Il peut probablement être utilisé un peu plus longtemps car Kiev ne l’emploie pas sur le front « et vise des cibles dans des zones moins bien défendues », reconnaît Alexandre Vautravers.
Il n’empêche qu’il va falloir trouver de quoi écrire le prochain chapitre de cette guerre du ciel en Russie. L’une des solutions serait « d’augmenter la production de ces drones afin de noyer les défenses sous le nombre », suggère Dominika Kunertova.
L’autre serait de mettre au point un « castor » 2.0. « Durant un conflit, il y a des armes nouvelles qui apparaissent et font leur effet pendant un certain temps. Mais il faut rapidement penser à la génération suivante si on veut conserver l’avantage », résume Alexandre Vautravers.
Le Beaver original ne va peut-être plus servir très longtemps, mais il a déjà marqué le cours de ce conflit. D’abord, parce que le « cycle de développement – entre la conception et la fabrication – n’a pris que quelques mois, ce qui est très rapide pour ce genre d’engins », note Dominika Kunertova. Selon cette dernière, c’est la démonstration de ce qu’un pays peut accomplir quand toutes ses composantes – les autorités, les citoyens grâce à la campagne de financement participatif, et l’industrie – se mobilisent pour atteindre un même objectif. Ensuite, le Beaver illustre l’avantage du « fait maison » : « Il a été fait sur mesure pour répondre aux besoins de l’armée à ce moment de la guerre », conclut Dominika Kunertova.
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