Un besoin d’aérotransport lourd très utile
L’hélicoptère de transport lourd est un moyen très utilisé par les Forces armées américaines ; déploiement de troupes mais aussi de matériels d’une certaine masse jusque sur la ligne de front ou encore l’aérotransport de troupes ou de matériels depuis les plateformes maritimes (LHD, LPD,… ou même directement depuis les navires cargos) jusque sur la terre ferme. Les obstacles naturels (fleuve, ravin, plage non utilisable,…) ou créés par l’ennemi (champ de mine, obstacles antichars en tout genre,…), la météo (importantes lors des opérations amphibies), le besoin de redéployer des unités sur une autre zone,… tous ces problèmes sont franchissables à l’aide de moyens du génie, mobilisant parfois de gros moyens qu’il faut amener sur les zones demandées, de changement de position ou d’attente d’une meilleur météo,… mais consomment un temps précieux et diminue de fait l’efficacité générale de la manœuvre en cours et surtout, plus de temps à l’ennemi pour s’organiser à contrer les unités en cours de déploiement.
Actuellement, la solution des Forces armées américaines repose sur les hélicoptères de transport lourd CH-47 Chinook et CH-53 Stallion, principalement sous les variantes CH-47F et CH-53E ainsi que les dernières variantes CH-47F Block II Chinook et CH-53K King Stallion. Ce dernier est d’ailleurs l’hélicoptère de transport lourd le plus puissant actuellement en service au sein des Forces armées américaines, avec une capacité de transport maximale de 16,33 tonnes (36 000 lbs) en charge externe. Toutefois, le développement d’un hélicoptère encore plus puissant est limité par de nombreux facteurs ; un ratio puissance-poids déjà limite, les vibrations et le stress sur la structure (de l’engin porteur et par transmission, sur les charges emportées), des coûts jugés bien trop élevés (développement mais aussi à l’achat ou encore opérationnels),… à titre d’exemple, un seul CH-53K coûtait en 2023 pas moins de 133 millions de dollars au DoD. Pour comparaison, un CH-47F Block II, moins puissant avec « seulement » 12,57 tonnes de levage, coûtait en 2023 pas moins de 35 millions de dollars (GAO).
Juste une RFI ?
La solution viendra peut-être du Département de la Défense américain (DoD) car ce dernier espère trouver un moyen plus efficace et moins coûteux que ces hélicoptères de transport lourd… et ce, depuis le 23 septembre 2024. Depuis ce jour, la Defense Advanced Research Projects Agency, plus connue sous l’acronyme DARPA, a publié une Request For Information (RFI, littéralement, demande de renseignements) sur un « Cost Efficient Cargo », soit « moyen de fret rentable ». Alors bien évidemment, une RFI n’a que pour objectif de sonder les industriels capables de répondre à ce projet ; il n’est pour l’instant pas question de produire le moindre prototype. Toutefois, alors que certaines forces armées à travers le monde peinent à obtenir une flotte héliportée – sans parler du problème de la disponibilité – aux capacités lourdes, cette RFI pourrait être la première étape qui permettra justement à la naissance d’un prototype et par après, une production en série au profit des Forces armées américaines.
Un drone très puissant
La RFI expose le projet avec des détails très ouverts mais avec tout de même des limitations ou obligations. La DARPA souhaite ainsi lancer un projet ne reposant pas sur des systèmes déjà utilisés actuellement (hélicoptères standards ou dérivés, kit d’ailes à ajouter,…), le concept devant être révolutionnaire et changer fondamentalement l’aérotransport.
La DARPA ne donne aucune restriction par rapport au ratio de transport de fret interne et externe. En revanche, le système proposé doit pouvoir transporter un conteneur ISO 40 pieds (12,19 mètres de long, 2,35 mètres de large, 68 m³) sur 10 miles (soit 16,09 kilomètres) entre un navire et la terre ferme ou un véhicule blindé de combat d’infanterie M2 Bradley* d’un côté à l’autre d’un canon.
De manière générale, la DARPA cherche un système aérien sans pilote capable de soulever une charge utile pouvant aller jusqu’à 70 000 livres, soit 31,75 tonnes. Le drone devra pouvoir être autonome mais cette capacité n’est pour l’instant pas importante au niveau de la RFI. À noter que la DARPA est ouverte à tout système de motorisation actuellement disponibles (carburant ou batterie). Elle souhaite également connaitre les principaux risques qui peuvent être traités via une forme réduite du drone proposé, permettant de justifier de plus grands investissements de la part du DoD et pourquoi pas, de remette en question la conception et le design des drones militaires.
Enfin, le coût du premier appareil doit être inférieur à 30 millions de dollars. De fait, la DARPA cherche à créer un drone de transport lourd capable de transporter deux fois plus de charge qu’un hélicoptère de transport lourd King Stallion, mais à un prix d’achat déjà diminué d’un peu plus de 14 %.
En résumé
- Un nouveau design
- Un système de propulsion déjà existant (moteur classique, batteries, rotors,…)
- Drone autonome (point pour l’instant non important au niveau de la RFI)
- Faible coût d’achat (inférieur à 30 millions de dollars pour la première unité)
- Vol depuis une base préparée pour transporter directement ou sous élingue une masse de 31,75 tonnes (30 000 lb) sur (25 miles) à une altitude de (500 pieds), déposer la charge et enfin, retourner à la base de départ (25 miles)
- Possibilité de s’adapter à différentes charges (4,54 t/10 000 lb, 13,61 t/30,000 lb, 20,41 t/45,000 lb) et portées (16,1 km/10 miles, 40,23 km/25 miles, 80,47 km/50 miles, 160,93 km/100 miles) mais avec respectivement une portée ou une charge différente de la charge maximale attendue.
À noter qu’au niveau des drones de transport autonome, la DARPA avait fait voler le 5 février 2022, en collaboration avec Lockheed Martin, un hélicoptère de transport moyen UH-60A Black Hawk dronisé. Ce dernier était totalement autonome ; le DoD semble de plus en plus se pencher sur une logistique aéroterrestre et aéronavale autonome afin d’augmenter l’efficacité de ces opérations très complexes.
*Pour rappel, le VBCI M2A3 Bradley fait 6,5 mètres de long, 3,2 mètres de large et 3,3 mètres de haut… et a une masse de combat de 34,25 tonnes. Or, la limite de masse fixée par la DARPA est de 31,75 tonnes ; il est plus que probable que le Bradley est transportable à vide et non pas avec sa masse de combat (minimum de carburant, pas de munitions, aucun blindage supplémentaire,…).
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