Concept nouveau sur le champ de bataille, ces drones qui portent de la thermite sont capables de mettre le feu par surprise aux positions de l’ennemi.
Maîtres désormais sur le champ de bataille au détriment des engins plus lourds, les petits drones FPV (pour first person view, c’est-à-dire piloté à distance en immersion via une caméra embarquée), à moindres frais, évoluent en équipement.
Après le filoguidage conçu par les Russes pour contrer le brouillage électronique, les images de drones lance-flammes, surnommés «dragon drones», sont apparues sur les réseaux ces dernières semaines côté ukrainien. Sur l’une de ces vidéos, on aperçoit un drone voler à basse altitude, rasant la cime des arbres, et déversant d’impressionnants torrents de flammes sur les positions russes.
Comme l’a repéré le magazine Forbes, les images ont été publiées sur Telegram par la 108ème brigade de défense territoriale avec en légende le mot «Drakaris», qui signifie «feu de dragon» dans la langue inventée par George Martin dans sa saga Games of Thrones.
Sur d’autres vidéos publiées par l’unité droniste de la 60ème brigade mécanisée, on peut voir des drones cracher des flammes qui, de loin, ont l’apparence de gerbes d’étincelle. Les soldats ukrainiens «empêchent les orcs (sic) de profiter de la fraîcheur de l’automne et ont allumé un grand incendie», précise la légende de l’une des publications, précisant qu’une tranchée ennemie ainsi que quatre abris avaient été brûlés.
La thermite à plus de 2000°C
Selon les experts, les Ukrainiens auraient pu équiper des drones FPV avec des réservoirs contenant de la thermite, une matière hautement inflammable, accompagnée d’un dispositif de mise à feu. La thermite est un mélange de poudre d’aluminium et d’oxyde de fer, qui peut atteindre une température de 2200°C (par comparaison, la lave en fusion atteint généralement 1150°C).
Il brûle toutes les matières, métal y compris. Il est donc une arme idéale pour neutraliser les équipements militaires qu’il peut faire fondre. Surtout, l’eau ne l’éteint pas. Toute parade est donc extrêmement difficile. Comme l’explique aussi Forbes, la plus petite charge de 500 grammes peut brûler un blindage de 4 mm d’épaisseur en quelques secondes pour un coût de 10 dollars.
La thermite a été découverte dans les années 1890. S’il a d’abord été utilisé pour faire fondre le métal dans l’industrie ferroviaire, il a rapidement été repris pour un usage militaire notamment pendant la Seconde Guerre mondiale sous la forme de grenades à main ou de bombes incendiaires utilisées aussi bien par les Alliés que par l’Allemagne nazie.
Que dit le droit de la guerre ?
L’utilisation des armes incendiaires est désormais strictement réglementée par le droit de la guerre. Entré en vigueur en 1983, notamment après l’utilisation de napalm pendant la guerre du Vietnam, le Protocole III de la Convention de Genève «interdit l’utilisation d’armes incendiaires larguées par voie aérienne dans les zones peuplées, mais autorise l’utilisation de modèles largués par voie terrestre dans certaines circonstances», rappelle Human Rights Watch.
«Il interdit de prendre pour cible des civils et limite le ciblage des biens militaires situés dans des zones peuplées. Le Protocole interdit également l’emploi d’armes incendiaires sur les forêts ou autres végétaux, à moins que la végétation ne soit utilisée pour dissimuler des biens militaires», détaille le Bureau des Nations Unies pour le désarmement sur son site qui rappelle également que les victimes de telles armes «souffrent de de blessures difficiles à soigner et qui entraînent des séquelles physiques et psychologiques à long terme».
Si l’efficacité militaire de ces drones reste en tout cas à mesurer, ils sont à coup sûr, de par les images spectaculaires diffusées, un atout psychologique pour l’armée ukrainienne et un coup porté au moral des Russes. En attendant que ces derniers ne développent eux-mêmes des modèles similaires ? La guerre des drones n’en est pas à son dernier épisode. Depuis les premiers jours de l’invasion russe de l’Ukraine, les engins volants pilotés à distance évoluent selon les contraintes du front, et à la faveur des contre-mesures imaginées continuellement par chaque belligérant pour déjouer les nouvelles trouvailles de l’adversaire.
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