Le drone de combat français Aarok, surprise du chef au Bourget

, Le drone de combat français Aarok, surprise du chef au Bourget

C’est l’invité surprise du salon de Bourget, et il risque de faire du bruit. Lui ? l’Aarok, un drone de combat 100% français de 22m d’envergure et environ 5,5 tonnes, soit une taille proche du bestseller américain Reaper. Conçu dans le plus grand secret depuis deux ans par l’ETI française Turgis & Gaillard, ce prototype, développé à 100% sur fonds propres, sera exposé sur un stand de 500m2, à quelques mètres de celui du ministère des armées. Objectif : convaincre les décideurs militaires de miser sur ce nouvel entrant , qui débarque sur le segment du Reaper (12 exemplaires commandés par la France) et du futur Eurodrone européen. L’industriel jure pouvoir aller vite. « Sous réserve des autorisations de la DGA, nous visons un premier vol avant la fin de l’année, et une entrée en service dès la mi-2025 », assure Patrick Gaillard, directeur général et cofondateur de la société. 

L’appareil, assemblé dans un hangar de Blois (Loir-et-Cher), arrive à point nommé. Alors que la guerre en Ukraine a encore démontré le rôle essentiel des drones, la France affiche toujours un retard inquiétant sur le segment. Le Patroller de Safran, qui arrive dans les forces avec cinq ans de retard, n’est pas encore armé. L’Eurodrone, bien plus grand (11 tonnes, 30m d’envergure), et développé sous maîtrise d’œuvre d’Airbus, attendra quant à lui 2030 au mieux, avec un prix unitaire très élevé (114 millions d’euros). « La France manque de drones armés low-cost, produits en masse, qui soient sacrifiables sur le champ de bataille », regrette Cédric Perrin, vice-président LR de la commission de la défense du Sénat et auteur de plusieurs rapports sur les drones militaires.

Rusticité et coûts réduits

L’Aarok a été calibré pour répondre à ce besoin. Pour limiter les coûts, ses développeurs ont privilégié la rusticité : un seul

C’est l’invité surprise du salon de Bourget, et il risque de faire du bruit. Lui ? l’Aarok, un drone de combat 100% français de 22m d’envergure et environ 5,5 tonnes, soit une taille proche du bestseller américain Reaper. Conçu dans le plus grand secret depuis deux ans par l’ETI française Turgis & Gaillard, ce prototype, développé à 100% sur fonds propres, sera exposé sur un stand de 500m2, à quelques mètres de celui du ministère des armées. Objectif : convaincre les décideurs militaires de miser sur ce nouvel entrant, qui débarque sur le segment du Reaper (12 exemplaires commandés par la France) et du futur Eurodrone européen. L’industriel jure pouvoir aller vite. « Sous réserve des autorisations de la DGA, nous visons un premier vol avant la fin de l’année, et une entrée en service dès la mi-2025 », assure Patrick Gaillard, directeur général et cofondateur de la société. 

L’appareil, assemblé dans un hangar de Blois (Loir-et-Cher), arrive à point nommé. Alors que la guerre en Ukraine a encore démontré le rôle essentiel des drones, la France affiche toujours un retard inquiétant sur le segment. Le Patroller de Safran, qui arrive dans les forces avec cinq ans de retard, n’est pas encore armé. L’Eurodrone, bien plus grand (11 tonnes, 30m d’envergure), et développé sous maîtrise d’œuvre d’Airbus, attendra quant à lui 2030 au mieux, avec un prix unitaire très élevé (114 millions d’euros). « La France manque de drones armés low-cost, produits en masse, qui soient sacrifiables sur le champ de bataille », regrette Cédric Perrin, vice-président LR de la commission de la défense du Sénat et auteur de plusieurs rapports sur les drones militaires.

Rusticité et coûts réduits

L’Aarok a été calibré pour répondre à ce besoin. Pour limiter les coûts, ses développeurs ont privilégié la rusticité : un seul puissant moteur à hélice à l’avant, un train d’atterrissage large pour pouvoir opérer de pistes sommaires, et une capacité à décoller et atterrir sur 400 à 500m, au plus près des théâtres d’opérations. « On veut un avion pour faire la guerre », résume Patrick Gaillard. Turgis & Gaillard ne donne pas de chiffre précis sur le prix, mais indique que ce tarif est « légèrement supérieur » à celui d’un TB2 turc (5 millions de dollars selon Baykar, plutôt 10 millions dans les faits), et très en dessous de celui d’un Reaper (20 à 28 millions). Ce coût limité, sept à huit fois inférieur à celui de l’Eurodrone, pourrait permettre un achat d’engins par dizaines, pour atteindre la fameuse « masse » qui manque tant à l’armée de l’air. 

L\'Aarok affiche 24 heures d\'autonomie et 1,5 tonne de charge utile Crédit : Franck Rémy

L’Aarok affiche 24 heures d’autonomie et 1,5 tonne de charge utile. Crédit : Franck Rémy

Autre atout de l’engin : avec six points d’emport et 1,5 tonne de charge utile (de quoi embarquer quatre bombes guidées AASM et deux missiles Hellfire), il affiche des capacités de frappes intéressantes. « Il peut évidemment être utilisé pour des missions de surveillance et de renseignement, mais c’est un véritable drone de combat, adapté aux conflits de haute intensité », assure Fanny Turgis, présidente de Turgis & Gaillard. L’appareil peut apporter un appui feu aux troupes au sol, mais aussi mener des missions de suppression des défenses aériennes ennemies (SEAD), un domaine crucial que la France a désinvesti depuis des années. « L’Aarok peut aller seul détruire un système anti-aérien russe Pantsir à 35km », assure Patrick Gaillard.

Dernier argument de poids, l’AArok est conçu comme un appareil souverain, « ITAR free » selon l’expression consacrée. Sans pièce américaine, il peut être vendu et exporté sans l’aval de Washington. L’idée est de faire travailler avant tout les groupes de défense français : l’engin pourra embarquer un radar Searchmaster de Thales, une boule optronique Euroflir et des bombes guidées AASM de Safran. Pour la motorisation, le groupe privilégie l’Ardiden 3TP de Safran Helicopter Engines, dont le développement reste encore à boucler. Si ce moteur n’était pas disponible, Turgis & Gaillard pourrait se rabattre sur le Catalyst d’Avio, filiale italienne de l’américain GE, sélectionné pour équiper l’Eurodrone.

Grand bain

Développée par rachats successifs, Turgis & Gaillard (50 millions d’euros de chiffre d’affaires, 300 salariés), avait, jusqu’à présent, grandi à l’ombre des géants du secteur. Fondée par deux amis de longue date, l’ancienne consultante dans la défense Fanny Turgis et l’ex-officier de renseignement de la DRM (Direction du renseignement militaire) Patrick Gaillard, la société s’est fait connaître grâce à son bureau d’études, AA’Rok (qui a donné son nom au drone), qui avait développé en 2013 un kit, baptisé Gerfaut, destiné à installer de l’armement sur les avions de transport C130 Hercules.

Depuis, la société s’est largement diversifiée. Elle produit des équipements pour l’aviation de combat, notamment des chariots d’installation d’armement sélectionnés par Dassault pour le Rafale. Elle remotorise des blindés à Angoulême, fabrique des outillages de production pour l’aérospatial, et a été récemment sélectionnée pour réaliser la maintenance des avions PC-6 de l’armée de terre et des Twin Otter des forces spéciales. Le projet de drone de combat ne date pas d’hier : il avait été lancé dès 2012, avec un premier design baptisé 12.04. Le développement, réalisé par la trentaine de salariés du bureau d’études, a réellement débuté en mars 2020, en pleine crise du Covid.

L\'Aarok dispose de six points d\'emport. De quoi embarquer quatre bombes guidées AASM, et deux missiles Hellfire Crédit : Franck Rémy
L’Aarok dispose de six points d’emport. De quoi embarquer quatre bombes guidées AASM, et deux missiles Hellfire. Crédit : Franck Rémy

Avec le lancement de l’Aarok, dans lequel elle a investi « plusieurs dizaines de millions d’euros », l’ETI plonge dans un grand bain où les géants ne lui feront pas de cadeau. Certes, la société assure ne pas vouloir attaquer de front les grands groupes. « Nous considérons l’Aarok comme le grand frère du Patroller, et le petit frère de l’Eurodrone, souligne Patrick Gaillard. C’est une solution intérimaire, low-cost et souveraine ».

Mais les caractéristiques du drone (24 heures d’endurance, voire 30 heures en configuration « lisse », sans armement), son prix,et sa date d’entrée en service prévue (2025) pourraient faire réfléchir les décideurs du ministère. L’Eurodrone, dont le coût unitaire est celui d’un chasseur Rafale, n’est-il pas trop cher ? L’armée de l’air et de l’espace peut-elle vraiment attendre 2030 pour disposer d’un outil souverain ? S’il tient ses promesses, l’Aarok pourrait être plus qu’un simple intérim.

Le grand défi de Turgis & Gaillard sera de passer outre la frilosité traditionnelle de la DGA à confier de gros contrats aux PME et ETI. Le moment apparaît assez propice : Emmanuel Macron promeut ce qu’il appelle l’ »économie de guerre » (des matériels moins chers, disponibles plus rapidement). Quant à la DGA, elle jure qu’elle va plus miser sur les PME et start-ups de défense. Le projet Aarok prend les décideurs au mot, en leur proposant une solution clé en main qui coche a priori toutes les cases : coûts bas, développement rapide, autofinancement, souveraineté.

Nouveaux champions

Les Etats-Unis, avec Aerovironment (fabricant du drone suicide Switchblade), et la Turquie, avec Baykar, ont réussi à faire monter en puissance de nouveaux champions des drones, au-delà de leurs leaders champions traditionnels. La France réussira-t-elle à faire de même ? La balle est désormais dans le camp de la DGA et du ministre des armées Sébastien Lecornu. 

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