Dans le cadre de ses expérimentations en vue de se doter de moyens de surveillance et d’intervention dans les grands fonds marins, la Marine nationale va tester tout prochainement UlyX, a appris Mer et Marine de sources civiles et militaires. Le nouveau drone scientifique de l’Ifremer, capable de plonger à 6000 mètres sous la surface de l’océan, va être déployé, pour cette campagne, à bord du navire océanographique Pourquoi pas ?
L’embarquement de ce drone sous-marin (autonomous underwater vehicle – AUV) est prévu dans les jours qui viennent à Brest, où le Pourquoi pas ? est attendu jeudi 6 septembre après avoir mené, cet été, un long déploiement qui a débuté en juin et juillet avec la campagne scientifique Haïti-TWIST dans les Caraïbes, puis la mission AMETISTE au profit de la Marine nationale au large notamment de Madère en août. Ce sera le dernier grand rendez-vous opérationnel du navire avant sa rénovation à mi-vie, qui débutera en novembre.
Le Pourquoi pas?
Le Pourquoi pas? déployant le drone UlyX lors d’essais en 2022.
C’est la première fois que les équipes du nouveau Groupe d’intervention sous la mer (Gismer) de la Marine nationale, chargé de porter le développement des capacités de surveillance et d’intervention à grande profondeur de la flotte française, vont expérimenter UlyX, qui a débuté ses essais en décembre 2021 et a atteint pour la première fois la barre des 6000 mètres de profondeur en 2023. Toujours en phase de validation technique et opérationnelle, cet engin, développé par l’Ifremer, doit être officiellement mis en service début 2025. Il va donc être testé en Atlantique, probablement au-delà de 4000 mètres, dans le cadre de la mission Calliope 24.3. Initiées fin 2022, ces missions permettent au GISMER de monter en compétences et d’expérimenter différents systèmes dans le cadre du développement d’une première capacité exploratoire des grands fonds, combinant AUV et robot téléopéré (Remote Operated Vehicle – ROV). Plusieurs engins ont, ainsi, déjà été mis en œuvre à partir de plusieurs plateformes, comme l’AUV norvégien Hugin (Kongsberg), capable de plonger à 6000 mètres et le français A18 (3000 mètres) d’Exail. Du côté des ROV, des plongées ont été effectuée avec le Victor 6000 de l’Ifremer, des tests conduits avec un robot de LD Travocean et, prochainement, ce devrait être le cas avec un engin de Deep Ocean Search.
Comme nous l’indiquions il y a quelques mois, ce devrait être sur la base d’Ulyx qu’un premier AUV grands fonds devrait être développé pour la Marine nationale, qui va aussi se doter d’un nouveau ROV capable lui-aussi d’intervenir jusqu’à 6000 mètres de profondeur. L’objectif est de disposer d’une première capacité à l’horizon 2026. Ces investissements doivent être soutenus par le plan France 2030, dont l’un des axes concerne l’exploration des fonds marins et qui vise à soutenir l’innovation au profit de la souveraineté technique et industrielle de la France dans différents domaines stratégiques.
Ulyx est donc un AUV, c’est-à-dire un drone sous-marin autonome qui, contrairement aux robots téléopérés, évolue sans être relié à un bateau-mère par un câble permettant de l’alimenter en énergie, le piloter et transmettre en temps réel les images et informations recueillies. Long de 4.5 mètres pour 1.2 mètre de large et 80 centimètres de hauteur, cet engin de 2.7 tonnes peut évoluer à la vitesse de 4 nœuds et a été conçu pour offrir une grande autonomie (jusqu’à 36 heures en plongée) grâce à des batteries lithium-ion d’une puissance de 28 kWh.
Le drone UlyX.
Ce drone scientifique a pour mémoire été imaginé pour cartographier les grands fonds marins sur de vastes surfaces (ce que ne peut pas faire un ROV dont la zone d’intervention est limitée) et inspecter visuellement des sites d’intérêt, tout en pouvant recueillir des données et échantillons dans la colonne d’eau. Pour cela, il est doté de nombreux équipements : sondeur multifaisceaux, sonar à ouverture synthétique, CTD, magnétomètre, sondeur de sédiments, capteurs pour recueillir les paramètres physiques de l’eau (oxygène dissout, PH, température, salinité, densité) … S’y ajoute de l’imagerie optique avec, notamment, un appareil photo très sensible doté d’un flash de forte puissance qui permet de compléter la cartographie sonar. Le système de pilotage décide des actions dans la plongée et permet à l’engin de se reconfigurer sans ordre extérieur en cas de détection intéressante sur le fond marin. Il s’en approche alors au plus près (environ 5 mètres) pour collecter des images, avant de reprendre le cours de sa mission préprogrammée. Les données recueillies sont récupérées en fin de mission par le navire qui le déploie.
La version qui devrait être développée pour la Marine nationale sera évidemment adaptée aux besoins militaires, qui sont sur certains points différents de ceux des scientifiques. Premier drone moderne capable de plonger à 6000 mètres conçu et réalisé en France, UlyX offre certains atouts très intéressants pour les marins. S’il offre une autonomie moindre que d’autres AUV, américains et norvégiens notamment, il dispose par exemple d’une capacité unique de vol stationnaire qui sera très précieuse pour inspecter minutieusement des zones et objets suspects. En particulier dans les régions sous-marines très accidentées ou sur les fortes pentes du talus continental.
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