Pour l’Europe spatiale, cela équivaudrait à une révolution. Alors que s’ouvre le sommet européen de l’espace, organisé à Séville en Espagne les 6 et 7 novembre, l’idée d’introduire de la compétition dans les grands projets industriels commence à faire son chemin. L’approche, inspirée par celle mise en œuvre par la NASA aux Etats-Unis et qui a notamment propulsé SpaceX au firmament, promet de s’inviter dans les débats entre les 22 Etats membres de l’Agence spatiale européenne (ESA), lors d’un conseil de l’agence et un sommet ministériel consacré à l’espace. Selon ses défenseurs, donner davantage la main aux acteurs privés permettrait de maintenir l’Europe dans la course à moindre coût. Une approche encore loin de faire consensus..
«Je suis convaincu que nous devons ajuster notre façon de travailler pour rester compétitifs, a affirmé Josef Aschbacher, le directeur général de l’ESA, lors d’une rencontre au siège de l’agence à Paris avec l’association des journalistes aéronautiques (AJPAE), mardi 31 octobre. La question centrale est de savoir dans quelle mesure l’espace est stratégique pour notre économie et les populations. Voulons-nous participer à cette croissance économique ou voulons-nous devenir de simples clients de services offerts par d’autres ? »
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Ariane 6 en attente de tests
Des propos qui reflètent la gravité de la situation pour l’Europe spatiale, d’autant que les compétiteurs alléchés par les promesses du new space se multiplient. Si les Etats-Unis font la course en tête, des pays comme la Chine, l’Inde et la Russie, mais aussi le Japon et les Emirats Arabes Unis, sont à l’offensive. Le constat est connu : malgré certains succès majeurs tels que Copernicus (observation de la Terre) et Galileo (système de géolocalisation), et la présence d’industriels de premier plan comme Thales Alenia Space et Airbus Defence and Space, l’Europe spatiale est en mauvaise posture qui n’a en particulier plus d’accès autonome à l’espace.
Alors qu’Ariane 5 a décollé pour la dernière fois en juillet dernier, les problèmes techniques d’Ariane 6, le lanceur dont ArianeGroup est le maître d’oeuvre, ne sont pas encore réglés, des tests doivent être effectués le 23 novembre au centre spatial guyanais. Le vol inaugural pourrait intervenir en 2024, soit avec environ quatre ans de retard. «Nous commençons à voir la lumière au bout du tunnel», a toutefois glissé Josef Aschbacher. Le sommet de Séville pourrait être l’occasion de trouver un accord pour renforcer le financement et le calendrier commercial d’Ariane 6.
Quand l’Europe choisit… SpaceX
Pour l’heure, les pays contribuant au budget spatial européen ont assuré le financement du vol inaugural du lanceur ainsi que ses 14 premières missions. Afin de garantir la pérennité de son exploitation – mise à mal par les dérives budgétaires, la concurrence avec SpaceX et l’inflation généralisée – , un accord est nécessaire pour soutenir les prochains vols du lanceur lourd, sachant qu’il faut décrocher le consensus pour que chaque proposition soit acceptée au sein de l’ESA. Reste à savoir si les Etats membres accepteront d’absorber ces surcoûts, évalués entre 300 et 350 millions d’euros par an.
Le lanceur Vega-C de l’industriel italien Avio, successeur de Vega et de plus petite taille qu’Ariane 6, ne devrait pas non plus voler avant le dernier trimestre 2024, selon l’ESA. L’échec du décollage intervenu en décembre 2022 ainsi que celui des essais menés en juin dernier ont repoussé le calendrier initial de plus de trois ans. L’invasion russe en Ukraine a en outre rendu impossible l’utilisation du lanceur Soyouz depuis l’année dernière. Une incapacité à assurer des lancements qui a conduit l’ESA à choisir récemment SpaceX pour mettre en orbite les quatre prochains satellites du système de navigation Galileo. Autre trou béant dans la raquette de l’Europe en matière d’exploration spatiale : son incapacité à envoyer dans l’espace des astronautes par ses propres moyens.
Davantage d’autonomie pour l’industrie
D’où la nécessité, loin de faire consensus au niveau des Etats européens, de renverser la table pour sortir de cette situation de crise. Et de mettre au placard la fameuse règle du «retour géographique», stipulant que chaque pays participant au budget de l’ESA se voit attribuer en retour des contrats à hauteur de sa contribution. En lieu et place de cette méthode, source d’inefficacité industrielle et d’importants surcoûts, place à la concurrence, tonnent certains.
«L’Europe doit opérer un remaniement profond de ses procédures, ce qui passe par l’établissement d’un cadre favorisant une vraie concurrence entre les entreprises européennes et mobilisant des moyens ambitieux pour stimuler l’émergence de nouveaux acteurs», est-il résumé dans un rapport indépendant intitulé «Révolution spatiale», mandaté par l’ESA publié en mars dernier. En clair, d’aucuns prônent d’introduire de la flexibilité pour se mettre à l’heure des enjeux du new space. Une fois les objectifs fixés, les industriels pourraient avoir les coudées franches, entre décisions techniques et choix des fournisseurs, conduisant à une plus grande vitesse d’exécution et des choix plus compétitifs.
Grands groupes et start-ups attendus au tournant
Une approche en rupture qui pourrait concerner le successeur d’Ariane 6. «Il est clair qu’il devra être développé de manière très différente, via un challenge entre industriels», estime une source proche du dossier. Une révolution qui ne va pas de soi, en premier lieu au sein même du trio des trois grandes puissances spatiales européennes que sont la France, l’Italie et l’Allemagne. Alors que les deux premiers sont plutôt enclins à défendre leurs lanceurs maison, de peur de perdre des parts de marché, le troisième commence à emprunter la voie de la mise en concurrence, via le segment des petits lanceurs.
Les start-ups allemandes, telles que Isar Aerospace et HyImpulse, sont vues avec bienveillance par Berlin, d’autant que leurs lanceurs pourraient monter en puissance. Les grands industriels de l’aérospatiale pourraient bien être bousculés dans les prochaines années par les francs-tireurs que sont l’espagnol PLD Space ou bien encore le français HyPrSpace. A moins que MaiaSpace, nouvelle entité créée par ArianeGroup, n’opère elle-aussi une percée…
Autre projet sur la table des négociations à Séville, qui touche aux capacités d’exploration robotique et habitée, et qui pourrait être lancé via un appel d’offres : le développement d’une capsule spatiale, capable d’effectuer des allers-retours entre la Terre et la station spatiale internationale (ISS) dès 2028 puis vers les stations qui lui succèderont. Jusqu’à présent, l’Europe s’appuie sur les équipements américains et russes. L’Inde s’est fixé pour objectif d’être en capacité d’effectuer un vol habité dès 2025.
Une autre Europe spatiale est possible
L’idée pour l’Europe serait de développer un module chargé de transporter du fret dans un premier temps, puis à terme des astronautes, un équipement qui fait défaut à l’Europe. Avec là encore l’ambition d’y parvenir en faisant appel aux acteurs privés, à l’image de la navette Crew Dragon de SpaceX. Si les grands groupes seraient naturellement sur les rangs, des start-ups pourraient se distinguer, telle que l’entreprise franco-allemande The Exploration Company.
Echaudés par les retards à répétition et sur fond d’inflation galopante, nombre de pays risquent de rechigner à remettre au pot. Raison pour laquelle la proposition d’une capsule spatiale devrait être effectuée sans demander de nouvelle enveloppe : les fonds pourraient mettre à profit des poches déjà financées dans le domaine de l’exploration spatiale mais pas encore utilisées, ou bien la récente contribution complémentaire de la Pologne dans l’ESA.
«Seule une approche réellement révolutionnaire, favorisant l’essor d’un écosystème d’innovation luxuriant à travers des coinvestissements du secteur privé, des dispositifs de financement novateurs et des approvisionnements répondant aux enjeux du moment peuvent conduire au succès», estiment les auteurs le rapport « Révolution spatiale ». Le rendez-vous à Séville pourrait être en ce sens décisif.
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