Sûreté et sécurité, surveillance environnementale, maintenance, logistique… Les possibles applications des drones, aériens et maritimes, dans le secteur de l’éolien offshore, sont multiples. Elles ont été passées en revue le jeudi 25 septembre, lors d’un Blue Event organisé par les Pôles Mer Bretagne Atlantique et Méditerranée, et le pôle de compétitivité Aerospace Valley.
Une visite en mer, au cœur du parc éolien de Saint-Nazaire, et une journée d’échanges dédiés aux « drones maritimes pour l’éolien en mer » au Technocampus Océan de Bouguenais (Loire-Atlantique). Un programme qui a permis d’aborder, en théorie et en pratique, les nombreuses applications potentielles de ces drones dans le domaine de l’éolien offshore, qu’ils soient aériens, de surface ou sous-marins, avec des représentants de l’Etat, d’énergéticiens, et des entreprises qui utilisent déjà cette technologie, dans l’éolien ou dans d’autres secteurs.
« Le gros avantage d’un drone, c’est de surveiller un site et de récupérer de la donnée sans exposer l’être humain », résume Thierry Mohr, président du groupe Aéro Pyxis et expert dans le domaine, à Mer et Marine. Les drones aériens sont ainsi utilisés de longue date pour les éoliennes terrestres, afin de surveiller les signes de nécrose sur les pales, ou pour repérer des échauffements sur les boîtes de vitesse, sur les pales… et prévenir le risque incendie.
Des opérations également applicables aux éoliennes offshore, qui rejoignent les intérêts des énergéticiens. Iberdrola notamment, qui exploite le parc de Saint-Brieuc en France, deux champs en Angleterre et un en Allemagne, et qui revendique une « politique du zéro accident » pour ses personnels. Mais l’inspection visuelle par un drone bardé de caméras plutôt que par un technicien perché à une centaine de mètres au-dessus de la mer ne permet pas uniquement la réduction des risques, elle induit aussi un gain de temps certain, que ce soit pour les opérations d’inspection ou de transfert de matériel.
Un argument notamment porté par MaDfly, entreprise spécialisée dans l’utilisation de drones aériens et sous-marins pour des inspections et des interventions dans le milieu maritime, qui a réalisé en février 2023 la première inspection par drone aérien sur un champ éolien offshore en France, celui de Saint-Nazaire (le seul en exploitation à l’époque).
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« Nouvel eldorado »
A mesure que les champs d’éoliennes offshore, posées ou flottantes, avec des objectifs commerciaux ou expérimentaux, se déploient en France, d’autres acteurs, pas toujours issus du maritime, s’intéressent de près à ce qui constitue un « nouvel eldorado », prédit Thierry Mohr. Christophe Mazel, responsable réglementation et opérations au sein de Drone Volt, leader français du drone civil coté en bourse, abonde : « Nous avions déjà un bon retour d’expérience dans l’éolien terrestre, et nous considérons qu’il y a un véritable potentiel de marché dans l’offshore », avec l’ambition française affichée d’atteindre les 45 GW d’éolien en mer en 2050.
Son entreprise a été retenue pour participer à la surveillance de l’avifaune du futur parc des îles d’Yeu et Noirmoutier, avec son drone VTOL (vertical take off and landing – décollage et atterrissage verticaux) à voilure fixe et multirotors, qui permet des vols de longue durée. La surveillance environnementale, des oiseaux et des mammifères marins, fait en effet partie des obligations qui s’imposent aux exploitants des champs éoliens, qui doivent évaluer l’impact de leurs activités sur la biodiversité. L’énergéticien allemand RWE, qui exploite une vingtaine de champs dans le nord de l’Europe, recourt à des drones aériens plutôt qu’à des avions pour l’un de ses parcs en Allemagne. RWE teste également la solution de l’entreprise française Cosma, qui utilise des drones sous-marins pour photographier les fonds marins et les espèces associées. Dans les deux cas, les drones ont l’avantage de fournir des données exhaustives, très fines et à moindre coût, indique le groupe allemand.
15 kg d’outillage
Autre application d’intérêt pour le secteur : le transport de charges. Christophe Mazel a présenté au Technocampus le modèle Hercules 20, avec une capacité d’emport de 15 kg. Même si on est encore loin des capacités des drones utilisés par l’énergéticien danois Ørsted, qui ont récemment transporté jusqu’à 100 kg de fret, ce modèle peut acheminer par les airs « une mallette pour les premiers secours, de l’outillage de dernière minute pour les réparations… L’intérêt du drone, c’est l’agilité, il est donc idéal pour les solutions d’urgence ».
A condition d’avoir résolu un certain nombre d’enjeux techniques, inhérents au travail en milieu maritime. Pour les drones aériens, le décollage et l’atterrissage sur les surfaces réduites et instables que sont les ponts des navires est l’un des grands défis. Et la question de la restitution des données recueillies concerne aussi bien les drones aériens que sous-marins.
L’iode et le sel plus problématiques que le vent
Pour être en mesure de se positionner sur le marché du drone appliqué à l’éolien offshore, certaines entreprises ont choisi de jouer collectif. A la tête de Pilgrim Technology depuis 2012, Anne-Marie Haute s’est associée avec « Maser Engineering, qui se charge de la partie maintenance des éoliennes, et la SARL GSLC qui fournit plongeurs et scaphandriers pour les travaux sous-marins ». De son côté, Pilgrim Technolgy s’occupe de l’inspection, du contrôle dimensionnel et du transport de charges (son drone Dragon P30 peut voler avec 30 kg de matériel pendant 30 minutes). Ce service complet pour la maintenance des éoliennes sera déployé en janvier 2025, sur les parcs expérimentaux de la Méditerranée.
Quant à la question de l’appontage des drones, elle a été résolue avec une autre entreprise, qui a fourni la brique technologique permettant « d’aliéner les mouvements du drone à ceux du bateau, de façon à décoller et atterrir de manière automatique sur le pont ». Pilgrim Technology n’en est pas à son coup d’essai dans le secteur maritime : « Nous sommes dans l’Oil & Gas, et donc dans l’offshore, depuis longtemps. Nous savons déjà mariniser nos appareils – l’iode et le sel sont de plus gros problèmes que le vent – et répondre aux conditions opérationnelles ».
Contraintes réglementaires et instabilité du marché
De l’aveu de la majorité des professionnels de l’inspection, de la maintenance et de la logistique utilisateurs de drones, les contraintes sont davantage réglementaires que techniques. Mais si la France s’est récemment dotée d’un cadre très attendu pour les drones maritimes (de surface et sous-marins), qui sera définitivement fixé début 2025, il reste encore à faire pour la réglementation des drones aériens appliqués au maritime.
Les autorisations de vol sont actuellement délivrées avec des délais trop importants pour permettre des interventions en urgence. Par ailleurs, « le règlement européen prévoit aujourd’hui que l’espace aérien doit être réservé auprès des autorités nationales dès lors que l’on envisage un vol « hors vue ». Nous souhaiterions que cette notion de réservation d’espace, en vigueur dans les eaux territoriales, puisse être étendue au-delà », indique Christophe Mazel.
Pour Anne-Marie Haute, le frein n’est pas tant le sujet de la réglementation que celui du manque de visibilité dont dispose le secteur éolien offshore, en raison notamment du contexte politique pour le moins incertain de ces derniers mois. Conséquence : « Les grands donneurs d’ordres passent peu de commandes, il est donc difficile d’envisager de passer à la phase industrielle », constate celle qui siège également à l’Adif (Association du drone de l’industrie française), qui ambitionne de développer une filière nationale. Initialement prévue le 26 septembre, la publication des cartes pour les zones propices à l’implantation d’éoliennes offshore à 10 ans et à horizon 2050 est donc attendue de pied ferme par l’ensemble des acteurs.
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