En février, le Canada annonçait un don de 800 drones à l’Ukraine (nouvelle fenêtre) d’une valeur de plus de 95 millions de dollars, la première contribution du genre depuis le début de la guerre il y a plus de deux ans. Quelle différence entre ces drones et ceux vendus en magasin pourrait expliquer une facture si élevée?
Dans l’usine à 10 minutes du tarmac, l’équipe de Teledyne FLIR travaille minutieusement à l’assemblage de ces drones de reconnaissance militaire. La majorité du travail de confection se fait à la main.
Cet employé s’assure que chaque pale de drone est bien installée sur sa base.
Photo : Radio-Canada
En se promenant dans une des rangées de l’atelier, on retrouve un employé qui s’affaire à monter les pales de drone sur sa base, qui sera ensuite attachée au corps. Avant le montage, il étudie la lame pour vérifier que tout est en ordre. Puis il refait une inspection après la procédure.
Ce souci du détail persiste tout au long du processus. Avant son envoi, un drone achevé est évalué au moins deux fois, notamment en le maniant au sein d’une pièce imitant des conditions météorologiques difficiles afin de s’assurer qu’il n’a pas de défaut de fabrication.
[Ce drone] est conçu pour être utilisé pour la surveillance et les missions répétitives
, explique la vice-présidente des systèmes aériens sans pilote de Teledyne FLIR, Anne Bulik. Ils peuvent être utilisés pendant de nombreuses années.
Je pense que ça va absolument changer la donne, [car] il y a tant de façons de les utiliser.
Ils seront envoyés en Ukraine dans les prochaines semaines, affirment des responsables de l’entreprise.
La surveillance avant tout
L’objectif numéro un du SkyRanger R70 est la collecte d’informations, soutient l’ingénieur de projet et formateur Serge Merlin.
Le drone est doté de différents types de caméras, dont une caméra infrarouge, afin de mieux recueillir des renseignements la nuit.
Les drones sont munis de caméras qui peuvent notamment capter clairement des images jusqu’à 8 kilomètres de distance, peu importe la luminosité et les conditions météorologiques.
Photo : Radio-Canada
Il y a aussi d’autres caméras qui existent pour le système qui permettent de voir lorsqu’il y a de la lumière basse, donc soit au crépuscule ou à l’aube
, ajoute-t-il.
M. Merlin souligne que le drone se sert également de l’intelligence artificielle pour faire des sorties sans signal GPS.
Pour ce faire, l’opérateur planifie un parcours, coupe la communication et laisse le drone partir et revenir de lui-même.
Cela peut ainsi empêcher l’ennemi de brouiller le signal et tenter d’en prendre le contrôle, explique-t-il.
Serge Merlin affirme que des formateurs iront à Kiev pour former une première cohorte de pilotes ukrainiens, qui pourront ensuite partager leur savoir progressivement avec les autres.
Photo : Radio-Canada
Des caméras, des capteurs… et une tour de transmission?
Le SkyRanger R70 dispose également d’une plateforme sur laquelle il est possible d’attacher des pièces remplissant d’autres fonctions.
On peut y mettre par exemple des caméras thermiques, des capteurs de rayonnement ou biologiques, des radios, toutes sortes de choses en fonction des besoins de la mission
, énumère le directeur de produit, Richard Cunha.
Il souligne que le drone reconnaît les composantes qui sont attachées, et adapte son comportement en conséquence de façon automatique.
Attaché à un câble, le drone peut voler à un endroit précis pendant plusieurs jours. Tout ce qu’il lui faut, c’est une source d’électricité en continu.
Photo : Radio-Canada
En y accrochant un câble d’attache, par exemple, l’engin changera lui-même sa manière de composer avec des vents forts et des changements de température, et restreindra la distance qu’il peut parcourir dans les airs.
Il peut alors voler à un endroit précis des jours durant, pourvu que la source d’électricité soit continue.
Nous avons certains clients qui l’utilisent même comme des tours de transmission radio pour des communications temporaires lorsqu’il y a une urgence ou une panne d’électricité et que l’infrastructure cellulaire ne fonctionne pas.
Teledyne FLIR a d’ailleurs téléversé les plans pour ces ajouts en code source libre afin que d’autres entreprises puissent créer des outils qui pourraient se rattacher au drone.
Mme Bulik admet que l’on pourrait ainsi se servir de cette capacité pour y installer des armes.
Richard Cunha affirme qu’il ne faut que quelques minutes pour réassembler un drone avant qu’il ne soit prêt pour sa mission.
Photo : Radio-Canada
Donner l’avantage aux Ukrainiens
Cette technologie améliorera les capacités de renseignements de l’Ukraine dans cette guerre, déjà supérieures à celles des Russes en raison de l’aide de ses alliés, estime Christian Leuprecht, professeur titulaire au Collège militaire royal du Canada.
Le Canada a depuis longtemps certaines capacités qui sont vraiment en tête de file en tant que drone, en particulier les caméras
, précise-t-il.
Ces drones permettront à l’Ukraine d’optimiser les quelques ressources à sa disposition
, alors qu’elle doit composer avec une pénurie d’armements (nouvelle fenêtre) et de soldats (nouvelle fenêtre).
On dit souvent que le renseignement, c’est la première ligne de défense.
M. Leuprecht qualifie ce don de drones de surveillance de choix politique
du gouvernement Trudeau.
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Ces sortes de drones sont moins controversées que certaines autres technologies cinétiques
, dit-il.
C’est ainsi une façon d’apaiser la pression que son gouvernement pourrait ressentir, alors qu’il n’y a pas de consensus
chez les Canadiens quant aux stratégies liées à la défense.
Formation en continu
Des employés de Teledyne FLIR se déplaceront à Kiev pendant presque un mois pour former une trentaine de futurs opérateurs ukrainiens dans l’utilisation de ces drones. Ils leur enseigneront également comment transmettre leurs connaissances à leurs collègues, soutient M. Merlin.
L’objectif est d’avoir au moins un, sinon deux opérateurs par drone. Il s’attend à ce qu’il y ait plusieurs centaines de pilotes
formés à son utilisation.
Évidemment, il y aura sûrement des remplacements, donc peut-être ça pourrait aller à des milliers de pilotes à former.
M. Leuprecht y voit cependant une possible faille dans la stratégie.
Selon lui, la pénurie de soldats dans l’armée ukrainienne fait en sorte que le commandement doit faire des choix dans l’entraînement et les formations des soldats.
Les drones peuvent être rapidement assemblés sur un champ de bataille puis désassemblés lorsque leur mission est accomplie.
Photo : Fournie par Teledyne FLIR
Si tout le monde veut proposer de l’entraînement pour différentes capacités en même temps, ça laisse peu de soldats pour le champ de bataille
, exprime-t-il.
Il croit que ces formations doivent s’inscrire dans une stratégie coordonnée des pays membres de l’OTAN.
Faits en Ontario
Pour l’entreprise américaine Teledyne FLIR, ce pied-à-terre dans le Sud de l’Ontario est important en raison de sa proximité à l’université.
Nous avons déjà accueilli des étudiants en stage de l’Université de Waterloo
, raconte Mme Bulik. Le talent disponible à Waterloo est un élément clé de la réussite de la ligne de production, de l’exploitation et de l’entreprise en général.
Elle ajoute que la réputation de l’établissement scolaire attire des professionnels d’ailleurs également, ce qui contribue au bassin de talents
.
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