Drones en guerre : comment ils sont passés d’armes de riches à outils de guérilla

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Elles ont donc constitué longtemps un formidable outil pour éliminer de façon ciblée un ennemi n’ayant pas la suprématie aérienne, sans risquer la vie de soldats sur le terrain.

Naturellement, une telle capacité exige un portefeuille bien rempli : comptez entre 15 et 30 millions de dollars pour un Reaper. Il ne faudra cependant qu’une quinzaine d’années pour que le drone passe du statut d’ »arme du plus fort » à outil de base de la plupart des groupes armés. Notamment du fait de l’apparition du drone de loisir.

La massification du marché

En effet, début de la décennie 2010, arrivent sur les rayons de l’électronique de loisir les premières caméras volantes très faciles à piloter. « Sur le plan des performances, comparer ces machines à des drones militaires de type Predator ou Reaper reviendrait à chercher les similitudes entre un 38 tonnes et une charrette à bras » souligne Léo Péria-Peigné, chercheur au Centre des études de sécurité de l’Institut Français des Relations Internationales, sur les thématiques de l’armement.

Et pourtant, ces « charrettes à bras » vont bouleverser le champ de bataille. Car pour répondre à la demande du marché des drones de loisirs, la fabrication devient massive. Dès 2013, il est possible de se procurer pour quelques milliers de dollars une plateforme volante très sophistiquée.

Pilotés par ondes radio, ces engins sont tout à fait capables de procéder à des opérations de reconnaissance dans un rayon de plus d’un kilomètre, et d’ainsi effectuer des patrouilles ou de coordonner des déplacements de troupes. Ce que les groupes armés ne tardent pas à expérimenter. « Depuis 2016, Boko Haram (organisation islamiste originaire du Nigeria, NDLR) fait précéder systématiquement toutes ces attaques par des reconnaissances de drones » rappelle Joseph Henrotin, rédacteur en chef de la revue Défense & Sécurité Internationale, directeur scientifique du Centre d’analyse et de prévision des risques internationaux.

Quant à l’État islamique, il les utilise pour guider ses véhicules suicide à se faufiler entre les barrages jusqu’aux bâtiments qu’ils veulent attaquer. Puis il utilise les images pour sa propagande.

Le règne de la bidouille

Parallèlement, ces plateformes volantes passent sous le tournevis des bricoleurs de fortune qui les adaptent à de nouveaux usages.

Ainsi le Hezbollah (groupe islamiste chiite basé au Liban) a rapidement « intégré des quadricoptères commerciaux modifiés à mesure qu’il s’engageait dans des opérations plus soutenues contre des ennemis moins perfectionnés en Syrie », relate une étude comparative de l’usage des drones par des groupes armés non étatiques au Moyen-Orient, conduite en 2023 par le centre international contre le terrorisme (ICCT). « En 2016, l’État islamique a été le premier à utiliser des drones pour larguer des munitions sur ses ennemis » poursuit Joseph Henrotin.

Et cette transformation du drone en un mini-mortier volant, dont les munitions sont parfois également bidouillées (adjonctions d’ailettes faites en bouteilles en plastiques ou en volant de badminton) pour améliorer la précision du largage, se répand.

Fin 2016, le PKK, le Parti des travailleurs du Kurdistan, a ainsi largué une grenade sur deux soldats turcs depuis un multicoptère. Ce même type de machines a été utilisé par le Hamas (mouvement islamiste et nationaliste palestinien) pour neutraliser des tourelles de sécurité séparant la bande de Gaza du reste d’Israël, lors de l’attaque terroriste du 7 octobre 2023.

Un vrai problème pour les armées conventionnelles

Difficiles à repérer, et encore plus à atteindre, ces machines volantes ont immédiatement constitué une épine dans le pied des armées conventionnelles.

En 2017, le général américain Raymond Thomas faisait part de son désappointement face à ces machines qui, en Irak, « se promenaient juste en dessous de la zone où nous exercions notre supériorité aérienne, et contre lesquelles notre seule réponse disponible était de tirer dessus à l’arme légère ».

Et qu’il s’agisse d’un quadricoptère de poche ou d’un drone avion d’une dizaine de mètres d’envergure, les neutraliser à l’arme légère n’est pas une chose aisée. Certes, les armées disposent d’autres moyens pour les abattre. Mais se pose alors une question de coût. « Nous avons, en France, des systèmes sol-air très efficaces, tels que les “Mamba”, qui peuvent repérer les drones au radar, et les détruire à l’aide d’un missile » explique Léo Péria-Peigné. « Sauf que si cela fait sens de tirer une munition aussi coûteuse contre un avion de combat ennemi, cela en a beaucoup moins contre un drone à quelques milliers de dollars voire moins » poursuit le chercheur.

Le ratio est encore pire lorsque la menace prend la forme d’un petit quadricoptère d’une centaine de dollars. « On a pensé pendant des années que le missile suffirait à nous prémunir des menaces aériennes, mais on redécouvre aujourd’hui que le canon rapide de courte portée capable de mitrailler des munitions bien meilleur marché avec une grande précision permettait de compenser ce déséquilibre », continue-t-il.

Ainsi, les Gepard, des véhicules d’interception aérienne à courte portée, jugés obsolètes au début des années 2000, ont trouvé une nouvelle utilisation dans le cadre du conflit russo-ukrainien en tant qu’arme anti-drone. Car c’est bien avec l’invasion russe de l’Ukraine de février 2022 que la menace des drones a pris une autre dimension.

Le conflit en Ukraine

« Les drones n’ont jamais été utilisés aussi massivement qu’actuellement en Ukraine, qui peut en perdre jusqu’à 10.000 par mois, chiffre Joseph Henrotin. Et si la Russie en perd moins, c’est essentiellement parce qu’elle en utilise moins » précise-t-il.

Des chiffres confirmés par un rapport du think tank anglais RUSI (Royal United Services Institute for Defence and Security Studies), qui estime entre 25 et 50 le nombre de drones des deux camps qui peuvent opérer simultanément sur chaque portion de 10 km de la ligne de front.

Certes, notamment du fait de contre-mesure électroniques (brouillage du signal, piratage…), les drones tombent comme des mouches. Mais ils sont si bon marché et ils procurent un tel avantage tactique qu’il est malgré tout rentable de les risquer sur le champ de bataille.

En effet, un drone apporte une aide considérable aux équipes d’artilleurs qui ajustent mieux et plus vite leurs tirs, économisant ainsi des munitions rares et deux fois plus chères que le drone à l’unité.

Les images de coups réussis contre l’armée russe, de soldats ennemis qui suivent le drone pour se rendre, a été indispensable à la propagande (voir par exemple cette séquence, où un soldat russe indique son intention de se rendre à un drone qui le filmait. La machine lui a largué un papier expliquant qu’il devait suivre le drone pour rejoindre les tranchées ukrainiennes.

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Sans parler de l’effet psychologique du harcèlement constant de ces mortels oiseaux mécaniques qui attaquent de jour comme de nuit.

« L’Ukraine était une “puissance dormante” en matière de drones, car elle possédait une grande quantité de drones soviétiques tels que le Tupolev Tu-141 (un drone avion à réacteur reconverti en missile), mais aussi une solide industrie aéronautique » explique Joseph Henrotin. Ce qui a permis à l’Ukraine de disposer rapidement de matériel efficace. « De plus, le pays entretenait des liens industriels forts avec la Turquie bien avant l’invasion, notamment sur la production des moteurs des drones Bayraktar ». Un drone armé très rustique, mais qui s’est montré si efficace au début de l’invasion contre les troupes russes qu’une chanson à sa gloire est devenue virale en Ukraine (voir plus bas).

Kiev a réussi à développer sa propre industrie de drones, notamment le R18, une machine à 8 hélices à même de larguer des charges explosives sur l’ennemi ou du ravitaillement sur ses troupes isolées. « L’Ukraine a fait très massivement appel au crowdfunding et au mécénat et a donné naissance à tout un écosystème proto-industriel, ce qui a eu des conséquences en termes de massification, et rendu l’usage du drone presque systématique en appui d’actions d’infanterie » décrit Joseph Henrotin.

L’Ukraine est ainsi devenu un laboratoire de test dans lequel des dizaines de systèmes de drones différents passent ou non l’épreuve du feu. Et il est aujourd’hui bien compliqué d’avoir une vue d’ensemble de la part que représente chaque type de machine (surveillance, mortier, drones kamikazes) sur le terrain.

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Si les drones chinois de DJI sont toujours massivement utilisés, ils côtoient des drones avions en carton australiens, des modèles imprimés en 3D britanniques, ou des machines aériennes agricoles d’épandage reconditionnées pour larguer des munitions. La Russie n’est pas en reste et exploite aussi, par milliers, des dizaines de systèmes de drones différents. Notamment des machines de reconnaissance Orlan, des munitions rôdeuses (Lancet) et des drones kamikazes de conception iranienne (Shaheds).

Parallèlement, ce conflit a montré l’importance des constellations de satellites capables de fournir rapidement un accès à Internet dans les zones de combat.

Outre le fait qu’elles permettent aux armées de maintenir un réseau de communication vital pour coordonner leurs troupes, ces liaisons satellites sont également indispensables pour faire rapidement remonter des vues aériennes du théâtre des opérations, aux centres de commandement.

Ainsi, après que le premier ministre ukrainien a interpellé le milliardaire Elon Musk sur Twitter (désormais X), aux débuts de l’invasion russe, celui-ci a mis à disposition en Ukraine l’infrastructure satellitaire Starlink dont il est le propriétaire. Pourtant Kiev a vu son accès entravé quelques mois plus tard, le milliardaire ayant décidé d’empêcher une attaque de drones navals ukrainiens, laquelle aurait nécessité cette liaison satellitaire pour opérer contre la flotte russe en mer noire.

De nouvelles tactiques

Cette massification des drones sur le champ de bataille a conduit à d’importantes modifications tactiques, notamment parce que l’omniprésence des drones permet de surveiller en temps réel de bien plus grandes surfaces à moindre coût. « Il n’y a par exemple plus besoin d’une ligne de tranchée continue tout le long du front, explique Léo Péria-Peigné, les armées peuvent se contenter de points forts dont les intervalles sont surveillés par des drones et sur lesquels l’artillerie peut rapidement faire feu en cas d’incursion ». Le moindre déplacement étant presque immédiatement repéré, les blindés comme l’artillerie doivent plus que jamais jouer à cache-cache pour espérer survivre.

D’arme du fort à outil de guérilla, le drone s’est désormais imposé comme un outil indispensable quel que soit le champ de bataille.

Et il reste sans doute encore beaucoup à découvrir quant à ses usages futurs, et à la manière de les intégrer dans les armées. « Comme toute arme, le drone ne s’utilise pas seul : il est en « en appui de » et « appuyé par ». Et comme toute arme, son utilisation ne compense pas un plan mal conçu ou une opération mal planifiée », conclut Joseph Henrotin.

L’utilisation croissante des drones à des fins politiques

Il n’y a pas que sur les champs de bataille que les drones sont utilisés contre une force mieux armée.

En 2013, le Parti Pirate a fait voler une machine à proximité de la chancelière allemande Angela Merkel lors d’un meeting à Dresde, pour protester contre la surveillance policière. En 2015, à Tokyo, un “Phantom” du constructeur chinois DJI, transportant du sable radioactif collecté près de la centrale nucléaire de Fukushima, s’est posé sur le toit de la maison du Premier ministre japonais Shinzo Abe.

Toujours côté nucléaire : en 2018, Greenpeace survole la centrale électrique du Bugey, près de Lyon, avec un drone équipé d’un costume de superman et l’écrase volontairement contre un mur d’un bâtiment pour démontrer la vulnérabilité de ces installations.

L’année suivante, durant un match de football de la Ligue Europa au Luxembourg où jouait une équipe d’Azerbaïdjan, a été interrompu par l’arrivée d’un drone portant un drapeau de la région séparatiste du Haut-Karabakh, un territoire disputé entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan.

La même année, des militants écologistes d’Extinction Rebellion ont menacé de faire voler des drones à proximité de l’aéroport d’Heathrow, à Londres, pour dénoncer l’impact environnemental du trafic aérien, et forcer l’aéroport à un jour d’arrêt.

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