Sitôt passé la porte d’entrée du bâtiment, ils accueillent le visiteur telles des sentinelles. A droite, l’imposant DT26 : un drone de 3,3 m d’envergure et de 16 kg. A gauche, l’UX11 fait figure de petit poucet, cette aile volante mesurant 1,1 m pour un poids plume de 1,5 kg. Des appareils développés pour des usages civils mais qui, désormais, investissent par centaines le champ de bataille ukrainien. «En l’espace d’un an, nous avons multiplié par trois les cadences de production du DT26, glisse Bastien Mancini, le PDG de l’entreprise. Quant à l’UX11, nous savions déjà en produire des centaines par an.» Une réactivité qui a fait du droniste toulousain la coqueluche des autorités françaises en quelque mois.
Acteur bien connu de la filière française des drones professionnels depuis sa création en 2011, Delair est désormais en première ligne dans le domaine militaire. L’entreprise de 100 salariés basée à Labège, dans le sud de Toulouse (Haute-Garonne), a été propulsée comme modèle à suivre dans le cadre de l’économie de guerre prônée au plus haut niveau de l’Etat, depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022.
VOS INDICES
source
«Il y a 5 ans, nous réalisions 80% de notre chiffre d’affaires dans le civil et 20% dans le militaire, explique Bastien Mancini, à l’occasion d’un déplacement organisé mercredi 20 mars par l’association des journalistes aéronautiques (AJPAE). Aujourd’hui, le rapport est totalement inversé.» Alors que certains mastodontes de la défense se font tirer l’oreille pour leur inertie, Delair se voit pour sa part tresser des lauriers. Fin février, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, s’est fendu d’une visite dans les locaux du droniste, avec une importante commande à la clé.
Des savoir-faire issus du civil
A savoir : 150 DT26 dédiés à l’observation ainsi que 100 UX11 équipés de charges explosives fournies par Nexter (le fabricant des canons Caesar), dénommés munitions téléopérées (MTO). Ces derniers, aussi appelés drones kamikazes, ont été développés dans le cadre dans le cadre de l’appel à projets Colibri lancé en 2022 par l’Agence de l’innovation de défense.
Les premières livraisons de ces 150 engins vont devoir être effectuées dans les prochains mois. De quoi contribuer à multiplier par deux le chiffre d’affaires en l’espace d’un an, lequel devrait s’élever à plus de 20 millions d’euros en 2024. Un contrat qui sonne comme une reconnaissance. L’an dernier, Delair avait déjà su honorer une commande de la DGA en quelques mois seulement, pour 150 drones (100 UX11 non armés et 50 DT26).
Delair a mis à profit son savoir-faire dans le civil pour répondre aux besoins militaires. © Delair
Comment expliquer la réactivité extrême de Delair ? Pour le comprendre, il faut pénétrer dans l’atelier de 1500 m² de la petite entreprise. «Nous maîtrisons l’ensemble de la chaîne, de la conception à la production, indique Bastien Mancini, tout sourire. Avec ce modèle, nous ne dépendons d’aucun fournisseur et n’avons à subir aucun retard de livraison.»
Là, des collaborateurs découpent grâce à des patrons des morceaux de fibres de carbone, aussitôt placés dans la salle de drapage climatisée au fond de moules où la peinture a déjà été appliquée. La résine epoxy qui enduit les fibres durcit alors à froid, sous vide. Après diverses opérations de finition, place à l’assemblage de ces éléments en composites. Au final, hormis les composants électroniques et les charges utiles, Delair contrôle toute la fabrication de ses drones.
Des stocks permanents
L’avalanche de commandes va tout de même conduire la PME à muscler son outil de travail et à revoir ses flux logistiques. Delair vient de faire l’acquisition d’un four de séchage pour réduire les temps de cycle et compte bientôt agrandir son atelier. «Pour nous, augmenter les cadences, cela consiste surtout à acheter des outillages supplémentaires et embaucher des gens», détaille tout en marchant le patron du droniste.
L’an dernier, la société avait recruté 30 personnes. Cette année, l’objectif est d’embaucher 40 nouvelles recrues. Malgré les difficultés de recrutements, Delair parvient à attirer les candidats. Moyenne d’âge dans les équipes : 35 ans. «On embauche aussi en avance de phase, avant même d’avoir des contrats», soutient Bastien Mancini.
Pour répondre aux besoins militaires pressants, Delair a su abattre une autre carte maîtresse : un stock de drones garni en permanence, prêt à être livrés. Quand les grands industriels attendent les commandes pour commencer à produire, le droniste fabrique ses engins par anticipation. «Dans le monde civil, la concurrence très élevée impose d’avoir des stocks pour ne pas perdre des contrats en raison de trop longs délais de livraison», assure Bastien Mancini.
Une stratégie qui a un coût : Delair stocke en permanence l’équivalent de plusieurs millions d’euros de commandes. En amont, au niveau du magasin de pièces, rangées dans de petites boîtes jaunes et bleues, un système automatisé calcule les besoins et permet de maintenir un niveau de stock suffisant.
L’UX11 et le DT26 ont été commandés à des centaines d’exemplaires pour partir en Ukraine. © Delair
Le succès singulier de Delair ne s’explique pas seulement par ses méthodes de production, mais aussi par la qualité de ses produits, pensés pour des usages civils. Le DT26 avait séduit la SNCF pour l’inspection des lignes électriques et l’UX11, à l’origine destiné pour les géomètres, a été déployé notamment pour l’opération Barkhane menée au Sahel.
Quant au tout premier drone développé par l’entreprise, le DT18, il avait déjà fait merveille en Ukraine : l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) en avait commandé plusieurs exemplaires en 2016, pour surveiller les frontières avec la Russie. «Nos drones sont connus en Ukraine depuis cette époque et ont fait leurs preuves en matière de résistance au brouillage électromagnétique, rappelle Bastien Mancini. Nos produits sont fiables dans le cadre d’une guerre électronique.»
L’amour du risque
Malgré l’engouement de ses drones dans le militaire, pas question pour Delair de mettre tous ses œufs dans le même panier. Son dirigeant souhaite parvenir à un chiffre d’affaires équilibré à 50/50 entre le civil et le militaire. Bastien Mancini en est convaincu : «il y a une place à prendre dans l’industrie européenne du drone». Le dirigeant sait bien qu’il bataille contre de redoutables concurrents dans sa catégorie, la plupart bien plus imposants, tels l’américain AeroVironment, l’israélien Elbit Systems, l’allemand Quantum Systems, sans compter plusieurs acteurs chinois très compétitifs dont DJI. L’enjeu pour Delair : croître, mais sans perdre sa flexibilité.
«C’est aussi notre taille qui nous offre de la réactivité, en termes de prises de décision, atteste Bastien Mancini. Dans certaines grandes entreprises, il y a une aversion au risque, donc les équipes mettent en places des procédures pour les éviter que, mais il est du coup difficile de changer les choses.» Et le jeune entrepreneur, issu du Centre national d’études spatiales (CNES), de se remémorer une anecdote, révélatrice. Lorsqu’il s’enthousiasmait des caméras placées sur les fusées de SpaceX pour suivre les lancements, ses collègues le rabrouaient, arguant que c’était trop compliqué et inutile. «On me disait qu’il ne fallait pas changer un système qui marche, relate-t-il. Mais dans un environnement qui bouge, le plus grand risque, c’est de n’en prendre aucun.»
A Toulouse (Haute-Garonne), Olivier James.
La chronique a été générée du mieux possible. Dans la mesure où vous envisagez de mettre à disposition des informations supplémentaires à cet article sur le sujet « Pilote de Drone pour nouveaux points de vues » vous pouvez adresser un message aux contacts indiqués sur ce site web. comzy.fr est une plateforme numérique qui archive diverses actualités publiées sur le web dont le domaine de prédilection est « Pilote de Drone pour nouveaux points de vues ». Ce texte autour du thème « Pilote de Drone pour nouveaux points de vues » fut sélectionné sur le web par les spécialistes de la rédaction de comzy.fr. En consultant régulièrement nos pages de blog vous serez au courant des futures annonces.